Le principe de la désamérisation
L’olive est un fruit complexe qui contient un nombre très important d’éléments différents : des minéraux, des vitamines (A, D et F), des sucres (fructose, glucose) et enfin des protéines parmi lesquelles deux acides dont la teneur est très importante pour nous autres oléiculteurs :
– L’acide oléique dont la proportion déterminera le classement de notre huile en huile vierge extra ou pas.
– L’acide oléopicrine qui, par son amertume extrême, rend l’olive à l’état frais impropre à la consommation. Cet acide est également appelé oleuropéine ou encore oleuropéoside.
C’est ce dernier acide qui nous intéresse ici. Sa teneur dans le fruit est de 2% lorsqu’il est vert et va en diminuant à mesure que le fruit mûri. Cette diminution est telle, pour certaines variétés d’olives, qu’elles peuvent être consommées sur l’arbre. Ce n’est pas le cas de l’olive de Nice… à moins d’être une grive.
Il faudra donc désamériser nos olives en éliminant cet acide. Trois propriétés physiques vont nous aider dans notre tâche.
– Cet acide est soluble dans l’eau.
– Pour neutraliser un acide, il suffit de le mélanger à une base alcaline.
– La peau de l’olive de Nice est assez perméable aux solutions alcalines et n’a pas besoin d’être traitée ou percée de trous comme on le fait pour certaines races d’olives.
Il existe de nombreuses solutions alcalines comme par exemple la potasse ou la soude. Ces deux éléments se trouvent en bonne proportion dans la cendre de bois. C’est ce qui explique son utilisation dans certaines recettes de traitement des olives.

Nous ne parlerons ici que de l’utilisation du chlorure de sodium, notre bon vieux sel, car c’est la recette traditionnelle pour l’olive de Nice et sans conteste la meilleure
Le rôle du sel n’est pas seulement d’ôter son amertume à l’olive mais aussi et surtout d’assurer sa conservation dans le temps. La teneur en sel de la saumure doit être telle qu’elle permette la fermentation spontanée des olives grâce aux levures présentes naturellement sur les fruits et qu’elle empêche les fermentations nocives telle que la fermentation lactique qui peuvent altérer gravement le goût et la consistance de l’olive.
Mais bien d’autres critères que la teneur en sel risquent de réduire à néant notre labeur de toute une année.
Les conditions de la réussite
Pour arriver à un produit irréprochable et au goût typique de l’olive de Nice, il suffit de respecter quelques règles simples et de bon sens :
Pour faire de la bonne olive salée, il faut bien sûr utiliser de bonnes olives.
- Elles doivent évidemment être saines, c’est à dire qu’elles ne doivent pas être blessées, marquées, écrasés ou même véreuses.
- Elles ne seront pas flétries par le froid ce qui les rend impropre à la salaison.
- Elles auront été cueillies bien avant leur complète maturité, de préférence juste après la véraison.
Une olive trop verte restera amère et de couleur trop pâle. Une olive trop mûre deviendra molle et se conservera mal. - Elles ne devront pas être « obèses » à cause d’une irrigation exagérée ou d’une année trop pluvieuse. Ces grosses olives se conservent très mal et n’ont pas de goût.
- Elles auront toutefois une taille suffisante. L’AOC « olive de Nice » demandera une taille de 60 fruits au 100g, soit à peu près 12mm de diamètre.
Néanmoins, pour la fabrication de la pâte d’olive, de toutes petites olives sont tout à fait indiquées. De même, il existe un marché pour les petites olives qui sont aussi bonnes sinon meilleures que les grosses (opinion personnelle). - Les opérations de conservation auront débuté rapidement après la récolte et si possible le jour même. Des olives qui auront séché et fermenté seront irrémédiablement perdues.
- Elles auront été lavées soigneusement dans de l’eau fraîche, sans chlore et irréprochable du point de vue sanitaire.
Comme il a été dit ci-dessus, la teneur en sel de la saumure est d’une importance capitale pour l’élaboration du produit final.
Au dessus de 10% de sel dans l’eau, les fermentations bénéfiques n’auront pas lieu et l’olive sera trop salée. En dessous de 8%, on risque les fermentations nocives telles que butyrique, putride ou lactique.
Ceci est particulièrement à surveiller pendant les quelques jours qui suivent la mise en saumure. En effet, une concentration à 10% descend rapidement à 6% par l’absorption (osmose) du sel par la chair de l’olive. Il faudra donc surveiller périodiquement la concentration à l’aide d’un densimètre et rajouter du sel pour la maintenir à 8% minimum. Il vaut mieux ne pas la remonter à 10% si on n’aime pas les olives trop salées
La lecture sur le densimètre est de 1000 plus le pourcentage de sel multiplié par 7.
Soit : 1000 + (8 X 7)= 1056 pour 8% de sel.
Pour 6%, on lira donc 1000 + (6 X 7)= 1042.
Pour 10% : 1000 + (10 X 7)= 1070.
Le troisième paramètre important et qui a un impact direct sur la réussite de l’opération est la température.
En dessous de 15 degrés, les fermentations sont bloquées ou fortement retardées.
Au dessus de 25 degrés, les fermentations dangereuses se développeront et ruineront tous nos efforts.
La température idéale se situe à 18 degrés, à plus ou moins deux degrés près.
Une autre règle à respecter scrupuleusement est la règle de l’hygiène
Toutes les altérations risquant de compromettre le processus de la salaison sont dues à des bactéries, des moisissures et des levures qui ne sont pas présentes naturellement dans et sur l’olive. Elles sont apportées uniquement par notre négligence et manque de vigilance :
– Des olives sales, abîmées ou fermentées.
– Une eau impure et contaminée. Il est impératif de faire bouillir l’eau avant son utilisation.
– Des locaux malpropres et/ou difficilement nettoyables.
– Des récipients insuffisamment nettoyés et désinfectés.
– Un sel mal conditionné et/ou stocké.
– Des mains sales pendant les diverses manipulations.
Les olives doivent absolument tremper dans la saumure. Si son niveau a baissé à cause de l’évaporation, il faudra procéder à « l’ouillage » de façon à éviter absolument que les olives ne soient en contact avec l’air ambiant ou avec la pellicule de moisissure qui se forme naturellement à la surface du liquide. L’ouillage consistera tout simplement à rajouter de l’eau fraîche et parfois salée afin de maintenir la concentration au dessus de 8% de sel.
On s’est aperçu que plus le récipient est grand et donc la quantité d’olives à saler importante, meilleur est le résultat. Les petits récipients, tels que les bocaux, sont très sujets aux problèmes d’élaboration. Le récipient idéal, utilisé par la presque totalité des professionnels, est le tonneau de plastique, qualité alimentaire, de 200 litres. Si la pièce de stockage est propre et sans poussière, il semble que laisser le tonneau ouvert, sans y mettre de couvercle, donne encore de meilleur résultat.
Enfin dernier point qui paraîtra évident : il faut du temps pour faire une bonne olive de Nice. Quatre mois est un minimum mais c’est à partir de huit mois qu’on appréciera son goût inimitable.
Toutefois, il semble que, de plus en plus, une certaine clientèle semble apprécier les olives un peu amères qui n’ont passé que quelques mois dans le sel.
Quoi qu’il en soit, lorsque vous pensez avoir atteint le stade où vos olives plairont à vos clients, il vous reste à les mettre en bocaux.
Deux écoles s’affrontent :
– Ceux qui utilisent la saumure des tonneaux. Elle doit toutefois être absolument filtrée afin d’éliminer toute particule qui altèrerait son apparence vis à vis du client et qui pourrait être la cause de problème de conservation.
– Ceux qui la remplacent par une nouvelle saumure après avoir égoutté les olives. Cette saumure prendra une certaine couleur après quelques jours mais restera moins colorée que celle des tonneaux.
Il reste enfin à pasteuriser les bocaux. Cette opération, qui en théorie n’est pas nécessaire, nous mettra à l’abri, pendant de nombreux mois, de tout accident de conservation et surtout elle arrêtera toute évolution du goût des olives qui resteront telles que nous les avons mises dans les bocaux.
La pasteurisation consiste simplement à laisser les bocaux de 15 à 30 minutes, selon leur taille, dans une eau à 70 degrés afin que la température soit bien homogène puis de monter cette température à 75 degrés pendant 10 à 15 minutes.
Les accidents lors de la desamerisation
De nombreuses altérations peuvent subvenir à tout moment pendant le processus de fermentation et ruiner les efforts de toute une année. Toutefois, le respect des règles énoncées ci-dessus suffit à garantir le bon déroulement de l’opération.
Les accidents pouvant subvenir sont :
- Les fermentations putrides :
Due à des bactéries sporulantes et des moisissures, elles donnent un mauvais goût aux olives avec une odeur caractéristique de matière organique en décomposition.
Les causes en sont, comme pour toutes les autres altérations, un manque d’hygiène, une teneur en sel inférieure à 8% et une température trop élevée. - Les fermentations butyriques, dues aux même agents pathogènes, donne l’odeur et le goût caractéristique du beurre rance.
- Le ramollissement :
Ce phénomène touche plus particulièrement les grosses olives turgescentes, fripées par le froid ou fermentées à la suite d’un stockage prolongé dans un endroit trop chaud avant la mise en saumure. - Le bleuissement :
Aussi appelé Cyanosis. Les olives deviennent bleuâtres et ont une odeur désagréable. Cette altération touche principalement des olives qui sont en contact avec l’air et lorsque la concentration en sel est trop basse. - Les cloques ou cavités :
Elles sont dues à des poches de gaz qui se forment entre l’épiderme de l’olive et sa chair. Les responsables sont, comme pour les autres altérations, des bactéries, levures et moisissures apportées par un manque d’hygiène et qui se sont développées grâce à une teneur en sel trop basse et/ou une température trop élevée. - Les taches :
Particulièrement visible sur les olives de couleur plus pâle. Elles sont dues à certaines espèces de levures.
Quelques recettes
Recette de la tapenade aux olives noires
200 grammes d olives noires dénoyautées
100 grammes de filets d anchois
50 grammes de câpres
50g d’huile d olive
1 gousse d’ail
Vous pouvez adapter ces proportions selons vos goûts
A l’aide d’une moulinette broyez les olives, anchois,câpres et gousse d’ail pour obtenir une pâte.
Puis mettre cette préparation dans un bol et ajoutez y l’huile d’olive et mélangez bien l’ensemble en remuant energiquement.
Laissez reposer quelques heures au frigidaire avant de déguster.